Chemin de Croix version 2012

10 mars 2012

Chéri a eu l’idée exquise d’emmener les enfants à Disneyland il y a quelques jours, on a enfin pu afficher ce sourire débile qu’on avait souvent vu et dire fièrement : « Ce week-end on était chez Mickey !! ».

Si vous voulez avoir une vague idée de l’Enfer, allez-y, c’est frappant de ressemblance, ou du moins de la petite idée qu’on peut s’en faire. Déjà le coin est à vomir, c’est quelque part dans une zone indéterminée à gauche de Paris, à côté du ranch de Davy Crockett et pas loin du Sante Fe Hotel (ma parole mais on est au States ou quoi ??). Il suffit de suivre le panneau avec Mickey en guide, tu ne sais pas que dans quelques heures tu auras envie de le liquider à coup de pomme d’amour. Quand tu arrives à un péage comme celui de Saint Arnoult mais avec des drapeaux : la magie commence…. tu payes quinze euros. Si tu trouves ça cher t’es nulle, on est pas là pour faire des économies, on est là pour voir Bambi. Le parking du parc fait la taille de la Beauce (à peu près), un vent glacé souffle en diagonal, si tu t’y connais tu te gares à la lettre A, si t’es con tu te gares à F (ce qu’on a fait). Tu penses que tu es arrivée, en fait non, tu vas te farcir des kilomètres de tapis roulants, comme à la gare Montparnasse, et pour te mettre dans l’ambiance un roulement de tambour ambiance « on est tous des enfants à partir de maintenant!! » t’accompagnera jusqu’à la fin. Attention ! Tu auras la mélodie dans la tête pendant plus de 24 heures. C’est très difficile de s’en débarrasser.

Les enfants sont ravis, ils ont l’impression d’accéder au rêve suprême. Après avoir marché au côté du peuple, tu arrives aux caisses, ouah ! C’est beau !!! Les yeux des petits loups se remplissent de bonheur car le château en ciment rose géant de la Belle au Bois Dormant se dresse devant toi, entouré d’arbres et de lampadaires en plastique. Tu décides de TOUT faire. Tu commences par la première attraction, tu attends 30 mn, on te dit que tu as de la chance, qu’en mai c’est 50 mn mi-ni-mum. Tu montes dans une coquille, tu accèdes au monde de Blanche Neige, tes garçons trouvent ça tordant ils hurlent « Feu sur Joyeux !! » et à l’aide de mitraillettes imaginaires lui tirent dessus, brisant ainsi les rêves de Cassandra, qui dans la coquille d’à côté envoie, de son jogging mauve à paillettes, des bisoux au Prince Charmant, tandis que sa tata la prend en photo en gueulant « tu souris à tata Cassandra !! ». Au bout de deux attractions, qui représentent grosso modo 6 mn de spectacle pour une heure de queue, les enfants ont faim, faut dire que ça sent la guimauve partout. Tu rentres dans le monde merveilleux de Peter Pan et tu as le choix entre « Burger/Frites » ou « HotDog/Frites » ou « Pizza/Frites », c’est la dictature des glucides. Pour la première fois de ta vie, tu rêves d’une tranche de concombre. Le menu est à vomir, autant prévenir : Mac Do à côté c’est de la haute gastronomie. En observant bien la population, tu pourras vite t’apercevoir que les trois-quart sont obèses. Quand plus tard, tu feras la queue à Space Mountain, tu constateras que le Burger à 13 euros fait péter 40 mn de file d’attente, et tu regretteras ton masque à gaz. Tu dis « Putain c’est insupportable cette vieille odeur de pet ! », tout le monde te regarde comme la vilaine fée venue troubler la fête, Chéri te fais les gros yeux, il fait tellement froid que tu ne sens plus tes pieds, tu pourrais échanger ta cuisse droite contre un radiateur.

Je t’épargne la suite, jeune Padawan, parce qu’elle n’a pas d’intérêt, elle parle des avenues de magasins à perte de vue qui vendent des couvertures polaires de Picsou et des gobelets en plastique de princesse. De mon humeur qui s’est dégradée au fil des heures, du train de la mine qui m’a fait perdre l’usage de la parole, des poussettes pleines d’enfants hurlants et du moment divin où je me suis assise dans la voiture, qu’on a mis le chauffage et que j’ai repris la suite du marin de Gibraltar.

Juste pour prévenir, que mon chemin de croix est fait, un peu en avance certes, mais il compte double (parce qu’on y retourné le lendemain : on avait pris le pass pour deux jours, mais cette fois on s’est garé à la lettre A).

Du riz, des algues et du nutella

4 février 2012

Depuis que mon mari tient un restaurant, je me suis prise d’une affection particulière pour les clientes d’une certaine envergure.

Parce que tout leur fait plaisir, parce qu’elles sont contentes d’être là, parce qu’elles sont dans leur élément et parce que tout cela fait d’elles des clientes agréables.
Car rien n’est plus pénible à voir qu’une maigre qui chipote, qui fait la tronche, qui demande du thé, de l’eau, du thé, de la soupe, et un café (et les toilettes of course, parce qu’elle aime éliminer, c’est un peu son but de la journée). La cliente qui a de l’embonpoint prend son temps, salive devant la carte, sourit quand on lui apporte les plats, fait des commentaires plaisants « ouh ouh ouh !!! je sens que je vais me régaler !! », bref elle est de bon poil et on aurait presque envie de lui chuchoter qu’ici les groses sont les reines, mais ça ne se fait pas. Pendant ce temps, la maigre boit du liquide chaud (la maigre est chiante elle a le museau tout le temps froid) et précise qu’elle ne veut pas de sauce sucrée, parce que si un jour elle pète dans son 36, on sent qu’elle reviendra tous nous achever à coup de balance electronique. Devant son assiette, la maigre s’interroge et tourne le problème calorique dans tous les sens, se demandant sur quels aliments il faut qu’elle mise et ceux dont il faut qu’elle se sépare à tout prix. Quelques tables plus loin, confortablement calée sur une banquette, la ronde en redemande, dit qu’elle a trouvé ça succulent, qu’elle vient de loin et qu’elle goûterait bien ce qu’on lui montre à la page 12 du menu. La maigre a déjà levé le doigt pour avoir un café et l’addition, elle a laissé son bol de riz parce que « ça faisait un petit peu trop », on s’excuse, et puis de rien de la part des somaliens, et de rien de ma part aussi qui ait, ce matin avec l’équipe, porté à bout de bras une tonne de riz en paquet de 20 kg, du trottoir jusqu’à la cuisine. Quand la maigre quitte les lieux avec un petit rototo algues/thévert, la ronde attaque les desserts avec grâce. Elle profite de ce moment de paix, pendant lequel personne ne lui chuchottera « Ttttttt, Jess… le moelleux chocolat caramel beurre salé c’est moyen moyen pour le deux pièces… ». Elle est contente, elle nous fait plaisir, on sent que ce serait une copine terrible de carambars.

Bref, j’aime mieux les grosses.

 

Maman monte dans la Grande Roue

10 décembre 2011

Comme elle était belle cette grande roue !! Comme celle de la Concorde !! Majestueuse, aguicheuse dans le froid, lumineuse dans la nuit, pleine de promesses, surplombant la Loire et ses trésors ligériens. Elle se dressait devant nous avec son petit côté authentique, sa petite musique de Noël, je l’ai trouvée poétique et j’ai soudain eu l’envie irresistible de monter dedans. Alors dans un élan de folie j’ai dit « et si on y allait ? ». Les enfants étaient ravis de cette proposition qui bouclait joyeusement la journée. Seul le dernier a émis une réserve : Mais toi, Maman tu vas pas avoir peur ? Moi Chéri ?? Mais tu rigoles ! Tu ne sais pas que Maman est une grande grande aventurière !! Le second a rappelé que j’avais hurlé dans le dragon du jardin d’acclimation, j’ai répondu que j’avais fait Space Mountain de long en large et en travers et aussi qui c’est qui court le semi-marathon, c’est le pape ?

Alors on a pris des billets et on a fait la queue. Dix secondes en fait parce qu’on était les seuls. On s’est installé, mais j’avais déjà deux problèmes : je trouvais que la cordelette qui fermait la nacelle était ridicule et deuzio je n’avais personne à qui me cramponner hormis les enfants, mais je voulais la jouer « je ne transmets aucune angoisse à mes enfants/j’ai lu beaucoup d’ouvrages de pedopsychiatrie ». Quand elle a commencé à tourner, j’ai su que je venais de faire une énorme connerie, j’avais peur. À trois mètres du sol, c’est pas compliqué j’étais en nage, je me demandais quelle idée à la con j’avais eue. À mi-chemin je suis secouée de tremblements, j’essaie de me contenir, le moindre de mes mouvements fait bouger cette putain de nacelle, dans laquelle je suis prisonnière. La roue tourne lentement, elle gémit HHhhhiiiiiiuuuuuuuuiii… je tente de me tenir au poteau du centre, le fait d’allonger le bras semble me précipiter dans la Loire, la nacelle vacille, je commets l’erreur de regarder en bas ! Putain ! Mon cœur cogne si fort qu’il me fait mal, j’ai des sueurs froides, la grande roue continue de monter, je vais dégueuler, je serre les mâchoires. Notre ascension n’en finit pas, chaque centimètre franchi me rapproche de la mort, je ne peux même plus parler. Mes yeux débordent, mes dents claquent. Il fait un froid de gueux, on arrive en haut, je ne peux pas prononcer un mot. Soudain, la roue s’arrête. HHhhhiiiiiiuuuuuuuuiii… hiiÌiiiiiiiuuu… La frayeur me summerge, je me dis qu’il y a un problème, elle est en panne, elle va se renverser, on va crever. Il y a de l’air, le vent s’est levé, nous tanguons, je suis au supplice. Mes fils l’ont vu, ils me rassurent « Youpi Maman !! La Roue s’arrête pour qu’on voit le paysage, je suis sûre que tu croyais que c’était une panne  !! » Je relève la tête, je suis dans le vide, il n’y a plus un bruit, plus une lumière, je vais m’évanouir, si l’un de nous bouge on tombera. Le dernier dit tout doucement « j’ai un peu peur… », je voudrais dire « pas moi » mais je me penche doucement et j’attrape mes genoux, je murmure « personne ne bouge ». Cette phrase m’a coûté un effort terrible, j’ai du mal à reprendre ma respiration. La grande roue repart pour redescendre, ma gorge se libère, j’éclate en sanglot, et pleine de morve je hurle « mais il reste encore DEUX tours !!!!!!! ». Mes propres enfants me regardent comme une névrosée, je viens de les traumatiser à vie. Quand on est arrivés en bas, j’ai hurlé, j’ai crié tellement fort « ARRETEZ LA ROUE !!!!!!!!!!!!!! », que les deux mecs se sont retournés et le miracle s’est produit : ils ont arrêté cette putain de grande roue. On est descendu, mais mes jambes ne me portaient plus, j’ai failli me gauffrer sur la pelouse ne plastique.

J’ai dit je suis désolée les enfants. Je suis vraiment désolée. Et le second a répondu : c’est pas grave Maman…

Depuis je me réveille toute les nuits en nage : je rêve que je suis en haut de la grande roue et qu’elle s’est arrêtée…

Mais qu’est-ce que tu fais exactement dans le restau ?

23 novembre 2011

Comme je l’annonçais récemment sur FB, le prochain qui me pose cette question je lui enfonce un maki cheese dans la narine. Parce que ça fait juste trois mois que j’y réponds, parce qu’avoir un restaurant et un mec commerçant c’est tellllement diiiiiiingue, que personne ne sait comment ça fonctionne. Comme on me le rappelle souvent : « c’est vrai, c’est pas courant dans notre milieu… »
Alors je vais vous expliquer…

D’abord ce serait comme si quelqu’un vous posait la question, alors que vous avez trois enfants par exemple « Mais… qu’est-ce que tu fais exactement chez toi ? ». Vous auriez envie de répondre TOUT, parce que vous êtes à la fois, femme de ménage, cuisinière et lingère, infirmière et éducatrice, psy du dimanche et bonne du lundi, G.O. le samedi et chauffeur le mercredi, bref qu’il y a une tonne de choses à faire, plus ou moins intéressantes, parfois très pénibles et parfois très amusantes. Dans le restaurant c’est pareil, avec soixante couverts et dix-sept salariés, on a très rarement le temps de se faire chier. Il y a mille choses différentes à faire. Par exemple, il y a parfois le matin deux tonnes de riz qui arrivent sur des palettes et qu’il faut ranger (power plate peut se rhabiller), en fin de matinée il faut installer les chaises et les tables de la terrasse, moment que j’adore parce que c’est le moment de la bise à Jacky (le mec des fromages) et du café avec Gégé (le mec du rosé). C’est le moment où tu fais le point sur la situation : tu parles chiffre d’affaire, année électorale et tu dis « la pauvre… » en voyant passer Kathy l’esthéticienne, qui a perdu son chien à la foire à l’aïl le mois dernier. Passé ce court instant, il faut en même temps nettoyer quelques trucs, répondre au téléphone, remonter la vaisselle propre, vérifier les bons de livraison et surtout gérer les histoires de personnel. À savoir, expliquer à Joy qu’elle n’a pas à dire devant Moussa que Betty pue sous les bras, calmer Chong qui veut virer Jonhattan et Rodrigue qui se foutent de sa gueule alors qu’ils feraient mieux d’aller faire les vitres (pour Chong l’inactivité mérite la chaise électrique), et, passé ce quart d’heure de gestion de crise remonter en salle et trouver trente clients attablés. Je vous passe l’heure terrible de service pur, heure pendant laquelle je suis rongée par le stress et heure pendant laquelle je dois répondre en même temps à trois questions : « est-ce que la table 24 a eu son chirashi midi et son yakitori? », « est-ce que tu as bien pensé à noter le code de l’immeuble de la livraison 53 ? » « tu trouves pas qu’il est canon le mec de la table 8 ?« . Je vous dis tout de suite, on peut pas dire que ce soit mon heure de gloire… Quand tout le monde est parti il est 15 heures. On boit un café, on est un peu crevé, c’est l’heure de la décompression, on parle de tout, j’ai avoué à Charlène que je n’étais jamais rentrée dans un sex shop de ma vie, Charlène a halluciné, elle m’a demandée d’où je sortais… elle l’a répétée à Rodrigue qui ne l’a pas crue.

Après c’est l’heure d’aller chercher les enfants. On échange quelques sourires, on me demande « mais qu’est-ce que tu fais toi exactement dans le restau de ton mari? » et je réponds généralement « les chiottes ». Pour être brève.

La super journée

20 octobre 2011

J’avais passé une putain de bonne journée avec ma copine Mariette, venue exprès à Tours pour me voir.

On s’était foutu des sushis ras la casquette et des makis nutella plein le caisson, on avait bu des cafés, on avait pris le soleil, trainé au milieu des soldes flottantes et des portants de fringues. On avait dit « Mouais… moyen… j’ai les hanches trop larges pour ce modèle tu vois… » et aussi « ouais, bof cette couleur à moins d’être bronzée, et mince… et blonde aussi, parce que c’est une couleur de blonde ». Son mari nous avait annoncé la mort de Kadhafi dans un texto, on avait répondu « Bravo t’es le meilleur », ça nous avait foutu une sacrée patate. On avait bien rigolé, j’avais un peu décompressée : vous savez, c’est fatiguant les efforts d’intégration quand on est catapultée dans une ville nouvelle. On surveille son langage, son attitude, on se met en position d’observation, on est aux aguets, on écoute, on renifle l’atmosphère. Aussi, les vieilles copines que l’on revoit sont comme une bouffée d’oxygène sur un plateau d’argent, c’est d’une richesse inouïe. Bref, on rigolait jusqu’à en oublier l’heure de son TGV pour Paris. On a foncé pour l’avoir, on est arrivées dans les temps. Elle a dit « faut vraiment que je te prenne en photo dans ta voiture rose en forme de poisson ». Elle a sorti son I-Phone, j’ai posé, j’ai fait la conne parce que c’est ma spécialité, des grimaces, elle a ajouté « je file » et j’ai fait « salut hein ! Salut merci d’être venue ! C’était top ! » en agitant la main. Et puis j’ai passé la première.

J’avais pas vu la bite hydraulique* qui s’était relevée : j’ai explosé le radiateur et flingué la courroie de distribution. Ça s’appelle péter une durite.

Après j’ai appelé mon mari, comme tous les mecs, il adore ce genre de nouvelle.

*j’ai un vieux doute sur l’orthographe mais je n’ai personne à qui poser la question, et j’ose encore moins faire une recherche sur Google.

Mes voisins font la fête

16 octobre 2011

Ils sont jeunes. Pas très très beaux (je peux encore juger), mais libres. Libres d’avoir des nuits courtes, blanches, agitées : ils pourront tout rattraper quand bon leur semble les veinards… Libres de picoler, hurler et s’embrasser dans les fourrés jusqu’à pas d’heure, avec la musique à fond et le couillon de service qui gratouille un air de guitare un peu chiant dans son coin. Il en faut un. Jusqu’à une certaine heure il me font envie, je fredonne les airs que je reconnais, je souris en écoutant les filles hurler : les garçons leur mettent des glaçons dans le cou. Bref ils s’éclatent, et moi je subis leur bruit. J’ai pas envie de les faire chier, d’avoir le rôle de la voisine qui demande de baisser le son. Je résiste. Je ne fais même pas « chuuuuut » quand l’un deux imite Rihanna en gueulant « rompô pô pô rompô pô pô« .

Il est trois heures du matin. Ils ont monté le son. Le même air passe pour la trentième fois, ils chantent à l’unisson. Ils sont bourrés, y en a un qui a le hoquet sous mes fenêtres, j’ai l’impression qu’il le fait exprès. Je suis excédée. Je serai décalquée demain ; pour me venger je ferai brailler mes enfants à sept heures trente, je sortirai ma guitare aussi et je foutrai le plus jeune au piano, Mozart en live. Et j’irai chercher le petit accordéon dans mes cartons. J’ai plein d’idées.

5 heures… je m’étais endormie mais les portes claquent et reclaquent. Je les hais ces jeunes. Non seulement ils chantent faux mais en plus ils sont cons. Et cette fille qui n’arrête pas de ricaner va me rendre folle. Je tends l’oreille… ça dégénère chez eux. Ils se battent, j’entends « arrête ! putain mais arrête tu vas lui faire mal ! ». C’est la même fille qui crie, une bouteille de bière dans la main, les cheveux dans la figure, elle est vilaine et bruyante. Je descends. Je prends un œuf, je remonte, j’ouvre la fenêtre, je vise. L’œuf s’écrase sur sa joue. Elle suffoque de surprise. Je ne bouge pas. Pas un bruit pas un geste. Elle pousse un cri, demande qui a fait ça, c’est toi hein ? ça t’amuse Ducon ? Les accusations fusent dans leur baraque, je me régale, leur soirée est terminée, foutue, je me bénie. Ils vont rentrer et me laisser dormir.
Des bruits de vaisselle brisée, de la violence, la décadence. Elle répète « Je suis sûre que c’est lui, il a failli me crever l’œil… » PAS LE COUTEAU ! crie l’un d’entre eux. Il y a de la peur dans l’air, ça sent le souffre, un meuble explose, non c’est la guitare, MA GUITARE CONNARD !, le désespoir, puis la haine et puis plus rien. Rien que le silence qui s’installe et qui s’empare de l’aube. C’est bizarre. Un gémissement s’échappe, à peine un miaulement, c’est la vilaine qui sanglote, il y a sûrement un mort… Une demi-heure plus tard les flics, un, deux, trois, et un mec qui hurle « mais c’était pas moi, j’avais pas d’œufs dans mon frigo !! ». Les girophares s’éloignent, je vais faire un petit somme avant de dormir…

Ouais bon, j’invente des tas de trucs la nuit quand mes voisins font la fête… je fais passer le temps… trop vieille pour m’incruster, trop jeune pour m’insurger, pauvre de moi…

On nous prend vraiment pour des cons

12 octobre 2011

Chaque année ça recommence… on me harcèle. À J+18 environ.

On m’a déjà tout recommandé : un diagnostique orthophonique, un test auditif, une consultation ophtalmologique, un passage chez le psy, une visite chez l’orthodontiste pour la position de la mâchoire qui possède une influence sur la concentration et je vous passe les dix mille conneries aux noms tous plus compliqués. Ce serait dans le but de trouver un problème à mes enfants « qui ne rentrent dans aucune case ». C’est con hein ? Toutes les consultations prises chez les différents spécialistes n’ont évidement rien donné, je me suis simplement contenté de creuser le trou de la Sécu et j’ai perdu beaucoup de temps, voir pas mal d’énergie, à adopter l’air d’une dinde ravie qu’on la roule dans la farine. Mais j’étais obligée au risque de passer pour une mère insouciante. Sans parler de cette infirmière scolaire complètement demeurée qui a conchié le carnet de santé de mon fils sur deux pages avec une écriture d’illettrée, en marquant que « se petit bonhome avait besoin de vidé son sac », me téléphonant pour me donner un numéro de téléphone d’aide aux parents, le zèle ça rend con. Ici donc, je voudrais dire MERCI. Merci pour ces bons conseils que notre raison nous pousse à ne pas écouter.

Et je tiens aussi à rendre hommage à l’orthophoniste de mon fils. Il y a une semaine Chéri est rentré de la petite consultation mensuelle (celle qui fout en l’air ta soirée) avec un air douloureux, m’annonçant que notre spécialiste locale l’avait invitée à – je cite – « prendre un rendez-vous chez un kiné de la langue pour que le jeune homme apprenne à bien placer sa langue… ». Parce que sinon il fout en l’air le boulot de l’appareil dentaire. « AHHHHHHHHHHH… Bravo ! j’ai dit, on applaudit… mais putain ON NOUS PREND POUR DE CONS OU QUOI ? ». Je pense qu’on a atteint des sommet. Chéri a rappelé pour dire merci, merci beaucoup, mais finalement on verra plus tard…ma femme… heum… ma femme veut laisser le temps au temps…

Sa femme lui demandait : À quand le kiné du trou de balle pour apprendre à chier droit ?

Réunion, oignon etc…

1 octobre 2011

Dans l’ancienne école des enfants, les profs suppliaient les parents d’être délégués, ils disaient « il nous faut quelqu’un…y-a-t-il quelqu’un que ça intéresserait…? » ils jouaient un peu sur les nerfs de la mère de famille qui voit l’heure tourner et qui sait que chez elle, pendant qu’elle assiste à cette réunion, c’est la débandade, que les enfants ont sûrement entamé les Kinder Pingui en sautant sur son lit et que ça se finira en bataille de graviers si elle ne se dépêche pas de rentrer. Ici, c’est sérieux, on vote avec un papier, car certaines mères semblent s’arracher ce poste… je sens que la place est chère. Faudra que je creuse pourquoi, il doit forcément y avoir quelques compensations, restent à savoir lesquelles, ce sera ma prochaine enquête au sein de l’établissement. Bref il a fallu que je vote, ce qui était difficile puisque je ne connaissais personne. J’ai éliminé d’emblée les plus moches, en commençant par les plus poilues puis toutes celles au teint vert, mon choix s’est donc arrêté sur la plus fraîche et la plus bronzée. Ces élections ont failli très mal se terminer, car il y a avait égalité des voix entre deux mères et pour aller un peu plus vite, l’une d’elle s’est sacrifiée en disant « non mais c’est pas grave, je laisse ma place ». On a senti qu’elle avait des trémolos dans la voix et que ça lui coûtait affreusement, elle a tout ravalé, ses rêves et ses ambitions, j’ai essayé d’avoir pitié mais j’avais envie de rigoler. Parce que je suis trop méchante hin ! hin ! hin !

À noter deux phénomènes que je ne parviendrai jamais à expliquer pendant ces réunions, qu’elles soient à la maternelle ou au collège :
• l’obstination de certains à prendre des notes sur un papier
• la qualité d’écoute des autres

La première catégorie note tout. De la chaussure à scratch à prévoir le mardi matin, à la messe de fin d’année qui aura lieu à une date indéterminée (elle marque messe en juin, date ?). Cette catégorie est ultra équipée, agenda, stylo, carnet, je suppose que ces gens possèdent à coup sûr une mémoire éphémère, comme Dora dans Nemo (où suis-je ? Mais qu’est-ce que je fais là ?). C’est la seule explication que je puisse avoir…
La seconde catégorie mise tout sur son comportement d’élève parfait, en pensant que ça va rebondir sur son enfant. Cette catégorie s’esclaffe donc à chaque blague de l’orateur, opine du chef quand on parle de respect des consignes (elle adore ce mot), fronce les sourcils quand on aborde le sujet douloureux des portables et posera une question à la fin, juste pour montrer qu’elle a bien écouté. Comme quoi, les fayots traversent les années sans prendre une ride, c’est beau…

Si il y a une troisième catégorie c’est la mienne. Qui s’intéresse aux ongles rongés du prof d’anglais, aux collants violets assortis à la jupe moutarde de sa voisine, à la toux asthmatique du seul père présent et au moment stratégique qu’il choisira pour sortir sa ventoline, à la motivation de cette mère à porter des lunettes aussi extravagantes et à l’odeur d’oignon qui flotte dans l’air. Cette catégorie se permet de faire « chhhuuut…tttt…tt… » quand ses voisines parlent juste pour les emmerder (ça c’est ce que je préfère faire), cette catégorie se tortille sur son siège dans l’espoir de trouver une position confortable (ça c’est mon supplice). Cette catégorie ne sert à rien mais voit tout, tapie dans l’ombre des fresques chronologiques et le cul pétri par de longues années passées dans les salles de classe, agonisante sur sa petite chaise en bois, mais vivante…

2 heures plus tard…

29 septembre 2011

Quand faut y aller, faut y aller. Ce genre de courses se prémédite, quand on te demande ton planning tu dis que jeudi t’es prise, jeudi c’est pas possible : tu as « un truc ». Tu restes un peu secrète, tu veux être toute seule pour t’arrêter à tous les rayons et surtout qu’on ne te presse pas quand tu hésiteras entre le paillasson BlOjërn à 2 euros 95 OU carrément le tapis Kleïrßern en promo ce mois-ci à 189 euros (avec la carte Family hin ! hin ! hin !), 200×300, tout de duvet de yack suédois vêtu.Finalement tu prends les deux, bien que tu ne sois pas venue pour des tapis mais plutôt pour des serviettes en papier prune et une lampe de bureau avec un clip.

Au final c’est avec un caddie blindé que tu passes la caisse, super fière et avec des projets de réaménagement du territoire tous aussi riches, tous aussi beaux, grâce entre autre à un cadre et un vase design aux couleurs complémentaires, bien joué Germaine, t’es la reine. Tu es obligée de rabattre les sièges de ta voiture, de tout pousser, de ramener le caddie, mais tu le fais de bonne grâce, t’es de bon poil : tu vas enfin mettre un peu d’ordre chez toi grâce à la cabane à chaussures, tu vas gagner de la place avec ton coffre plein à craquer d’ingéniosité, tu as trouvé mille solutions aux problèmes que tu n’avais pas jusque-là. Il est 16 heures, tu files à l’école avec des gâteaux à la cannelle, tu as hâte de tout installer.

À 20 heures 46, tu as envie de buter la terre entière. D’abord c’est un merdier sans nom dans ton salon et surtout, alors que tes doigts sont en surchauffe rapport au deux cent millième coup de tournevis effectués, tu t’aperçois qu’il y a une erreur. Un truc fatal qui demande l’arrêt immédiat du montage de ton armoire, tu en es à la page 28 et tu te plantes depuis la page 3. Ivre de rage tu te relèves, tu es en nage, tu dis que cette saloperie tu vas la balancer par la fenêtre. C’est horrible, tu es d’une humeur de chacal, rien n’est prêt, tes enfants ont faim, ils disent que le goûter était dégueulasse et surtout… ton mari franchit la porte. Il demande pourquoi t’as racheté des verres et des boîtes, tu lui dis que c’est pas le moment de te faire chier OK ? Et dans ta mauvaise foi tu lui rappelles que des verres et des boîtes on en avait besoin OK? et forcément comme il ne range rien il ne s’en est pas aperçu. Les commentaires débiles t’en as ta dose…

Il tourne les talons et tu l’entends dire tout bas « si c’est pour te foutre dans un état pareil, je vois pas l’intérêt d’aller chez Ikéa… »

20 kilomètres plus tard…

25 septembre 2011

J’ai récemment vu sur un panneau que ma ville proposait une petite course, sponsorisée par le journal local, de dix ou vingt kilomètres. Je me suis inscrite directement aux 20km, est-ce mon orgueil ou mon goût des nouvelles expériences ? Quand j’ai annoncé ça à la maison Chéri a hurlé « QUOI ? Mais t’es malade, tu n’y arriveras jamais, c’est les pros qui courent 20 bornes, des nanas qui font ça toute la journée… ». Mon fils ainé a ajouté qu’il y avait une Twingo à gagner, mes copines m’ont regardée comme une dingue et le mec de « Athlétisme Running » avait une drôle de tête quand je lui ai avoué que je n’étais pas spécialement entrainée au semi-marathon. J’ai quand même lâché 130 euros dans une paire de Mizuno et surtout, surtout, il m’a recommandé une petite pipette de vitamines, intitulée Turbo Punch, à prendre au dixième kilomètre…

Ce matin j’étais donc au rendez-vous des runneurs et j’ai tout de suite senti que je n’étais pas dans le moule. Ils ont TOUS deux têtes de plus que moi, environ quinze kilos de moins, ils sont secs, très musclés et ultra équipés. Ils font des bonds sur place et des étirements, je tente de prendre ma chaussure dans une main pour faire genre « je ne néglige pas mon mollet » mais ça me fait mal aux épaules. Une vague odeur d’humanité transpirante me chatouille le museau, il faut dire qu’il fait chaud. Quand la course commence, même en allant un peu vite je suis larguée. Au kilomètre 3, j’en ai plein les pattes, ce qui inquiétant pour l’avenir de cette course. Au kilomètre 5 je maudis Amy Whinehouse que j’écoute en boucle, au kilomètre 6 je regrette cette plaquette de Milka ingurgitée inconsciemment en snobant tous les conseils nutritionnels pour « optimiser vos conditions physiques », et soudain au kilomètre 8 la foule de badauds applaudit. Est-ce pour la beauté de ma foulée ? Voyant un groupe de photographes, je tente un sourire de satisfaction et je suis contente de ne pas avoir négligé mon mascara… en fait ils sont tous là pour un kenyan qui finit son deuxième tour en trombe, avec des jambes sublimes qui volent sur l’asphalte et me scotchent au bitume.

C’est beau mais ça me fout un peu le moral dans les chaussettes… Au kilomètre 10, je mise tout sur ma pipette Turbo Punch, coincée dans la taille de mon collant noir (très mauvaise idée comme emplacement), un gel chaud au goût dentifrice/fromage me glisse dans le gosier, je serre les dents pour ne pas vomir : j’ai l’estomac retourné. Au kilomètre 12 j’ai la tête qui tourne et je manque de tomber dans les pommes, l’écart entre le groupe et moi me semble considérable, je suis seule et j’ai peur. Je m’immobilise un instant, un homme me tend un sucre, pour un peu je lui en roulerai une. Il me fait un clin d’œil et me lance « Allez courage, tu vas y arriver ! ». On se serre les coudes entre athlètes… Quand j’ai vu qu’il me restait 5 km, j’ai failli pleurer. Heureusement un autre mec se met à côté de moi, je mets mes pas dans les siens : c’est toute la beauté du sport qui m’apparait, j’en pleurerais… Les derniers kilomètres sont un cauchemar, je me demande si ce n’est pas pire qu’un accouchement, chaque foulée me lacère les cuisses, mes membres se décomposent, je vais mourir et c’est dommage dans ce décor, avec vue sur le popotin d’une concurrente déguisée en Maya l’Abeille que je ne parviens pas à doubler. Ma seule consolation est de me dire que je suis épilée, et que mon corps ne sera pas poilu quand le samu me ramassera dans le caniveau. Mais je pense à toutes les belles choses de la Vie, à mon cochon d’Inde, à la promo de reblochon, à Marie-José Perreck et surtout à Gwendal Peizerat qui a dit dans le Koh Lanta des héros « le physique peut tout, c’est au mental que ça se joue », je monte le volume, Tchaikovsky m’emmène, le plus dur est derrière moi, je finirai, foi de lapin. Je puise ma force dans le regard des chiens que je croise, je termine mes 20 bornes sur les rotules. Avec un moral d’acier. Il m’aura fallu deux heures et treize minutes : une éternité…

Je dédie ce post à Sybille sans qui je n’aurai jamais couru. Et à Gwendal sans qui je ne serai rien.

12345...13